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PETITE HISTOIRE DE LA PUBLICITÉ AU CINÉMA

PETITE HISTOIRE DE LA PUBLICITÉ AU CINÉMA
Publié le 04-01-2021

Comme vous le savez, notre collection "La séance" vous propose de profiter d'une SÉANCE DE CINÉMA À L'ANCIENNE comprenant JOURNAUX D'ACTUALITÉ PATHÉ ou GAUMONT, BANDE-ANNONCE, ET RÉCLAMES du jour de sa sortie, en avant-programme du FILM.

L’ancêtre du film publicitaire daterait de 1898 avec un film des frères Lumière sur la lessive au savon « Sunlight » mais il était projeté dans des cercles privés. Il faudra attendre la fin des années 20 et Monsieur Jean Mineur, qui réussit à convaincre les exploitants des salles de cinéma de sa ville, Valenciennes, de remplacer les rideaux-réclames par de petits spots filmés, pour voir le film publicitaire exister en tant que tel. 


Dans l’immédiat après-guerre qui nous concerne, le film publicitaire est en plein essor, reflet d’une société française qui entre dans la consommation et la modernité des 30 glorieuses.

Période si proche et si lointaine, que nombre d’entre nous ont connue, et où en matière de publicité, tout était encore à inventer et presque tout était permis. 

Faire goûter un verre de Martini dans une station-service pendant le plein ? Pas de problème. Vanter la cigarette française brune, longue, élégante avec ou sans filtre ? Pas de soucis. Dire que Monsieur doit acheter une machine à laver à Madame, image de la mère de famille dévouée ? Quoi de plus normal.


Reflet d’un présent qui ne voyait pas le monde comme nous le voyons aujourd’hui, ces publicités faisaient partie intégrante de la séance de cinéma. Elles ne parlent pas du film, mais de l’époque du film, une époque avec sa créativité, ses codes, ses envies, ses besoins, ses valeurs. (sources Ina)

Mais laissons Monsieur Boursicot qui a vécu une grande partie de cette histoire nous la raconter...

 

C'est en 1898 qu'est tourné le tout premier film publicitaire par les frères Lumière. Il s'agit d'une scène familiale où on voit Mme Lumière et une domestique faire la lessive dans un grand baquet. Sur le bas côté, on aperçoit une caisse de savon : Sunlight.


Le cinéma publicitaire est né, et déjà destiné à promouvoir une lessive.


Immédiatement, suit un autre film des frères Lumière pour le champagne Moet et Chandon, daté de 1904. C'est un petit documentaire de 1'30 divisé en 4 parties : les vendanges, le repas des vendangeurs, les grappes sont versées dans de grands pressoirs, et les tonneaux quittent les entrepôts.


Les salles n'existant pas encore, les projections se faisaient chez les particuliers où on faisait venir des projectionnistes forains.


Dans le cas du film Moet et Chandon, on peut penser que les fabricants avaient demandé des images aux frères Lumière pour agrémenter et personnaliser les projections à domicile.


Ce document était donc commandité déjà par un futur annonceur.


Dans les premières années du 20e siècle ce genre de film s'est développé avec des images parfois osées (pâtes Pol) où l'on voit une femme un peu dodue sortir nue d'un paquet de pâtes, des films d'animation et des films en vues réelles.


Des films que l'on qualifierait aujourd'hui de films d'éducation sanitaire sont produits dans les années 1910/1920. Entre autres des films pour prévenir de la tuberculose ou de la coqueluche et de lutte contre l'alcoolisme.


Par contre, en 1911, un film d'animation pour les Cigarettes Nationale de la Régie Française des Tabacs, annonce qu'elles sont bonnes pour la santé !


Le film publicitaire est donc né en France. Mais très vite il va se développer dans des pays limitrophes et européens : tout d'abord la Belgique, puis l'Italie, l'Espagne et la Russie.


Puis, dans les années 20/25 la Yougoslavie développe ce genre de communication ainsi que la Hongrie qui produira des films d'animation de très grande qualité dans les années 30. Le grand père de Mathieu Kassowitz avait créé à Budapest un studio de films d'animation de très haute qualité.


Il n'apparaitra aux Etats Unis qu'à la fin des années 30, et surtout avec l'apparition de la télévision. En dehors des films de "confiserie" la publicité au cinéma n'a jamais été une réussite aux Etats Unis.


Dans notre pays, le film publicitaire va évoluer en fonction du développement des media :
1898 / 1960 : on ne le verra uniquement qu'au cinéma. Il fera d'ailleurs partie intégrante de la séance cinématographique.


1960 : apparition des films promotionnels et de la publicité télévisée.


Tout d'abord les publicités appelées "émissions compensées" qui incitaient à manger des pruneaux, des pommes, des oeufs, à boire de la chicorée avec Pascal et Dominique, à jouer à la Loterie Nationale, à choisir des meubles étiquetés NF ou des tapis T.


Dès 1968 : apparition de la publicité de marques. Nous avons en Cinémathèque les tout premiers films diffusés dans le cadre de la Régie Française de Publicité qui gérait l'espace sur les chaînes nationales. Entre autre il y avait déjà Boursin et Régilait.


Dès la fin des années 90, la publicité fait son apparition sur le ordinateurs et les sites internet naissants.
La publicité a toujours été à l'avant garde des techniques cinématographiques. Elle a servi très souvent de terrain d'entrainement aux réalisateurs de longs métrages.


Tout d'abord le film a été muet, mais dès 1929 il est devenu sonore comme son grand frère le long métrage.
La couleur est arrivée très rapidement, dès 1930, alors que, même si quelques films étaient tournés en couleurs, beaucoup de longs métrages ont continué à être tournés en noir et blanc jusqu'à la fin des années 60.
1953 : naissance du CinémaScope. La publicité adopte ce format, mais étant donné qu'il est toujours fonction du long métrage diffusé dans la salle, il  a été peu utilisé dans le domaine publicitaire.


Les kinéscopages, les effets spéciaux numériques, la technique du morphing, ont été expérimentés d'abord en publicité.


Dans le domaine du film d'animation, une école française de cinéma expérimental a produit des films de très grande qualité dans les années 50/60. Entre autre des films pour Orangina, Total, les carburants Azur, les gaines Scandale,...
Tous les réalisateurs se sont essayés au cinéma publicitaire, même si ils ne veulent pas que ça se sache. Edouard Molinaro, Jean Claude Brialy, J.J. Annaud, J.J. Beineix, Woody Allen, Guiseppe Tornatore, Sergio Leone, Jacques Tati, Claude Lelouch, Martin Scorcese, Luc Besson, Patrice Leconte, Ridley Scott, J.C. Averty, Henri Colpi, Roman Polanki, Etienne Chatiliez, David Lynch, Just Jaeckin, Marco Ferreri, Agnès Varda,  Claude Chabrol... la liste est trop longue pour tous les citer.


Mais c'est grâce au talent de ces réalisateurs, que le film publicitaire  a pu se mettre au même niveau artistique que celui du long métrage.


Dans de nombreux films (qu'ils soient concernés par le produit ou non) des artistes apparaissent dans des publicités. c'est le cas, entre autre, pour les couturiers Courrège, Jean Cacharel , le dessinateur Pierre Yves Trémois et bien sûr Dali.


De même pour les sportifs de tous les temps, dans les années 50, c'était le footballeur Roger Lamy, dans les années 60, le catcheur Chéri Bibi, dans les années 70, Platini, Bernard Hinault, Jean Claude Killy dans les années 80, Ronaldo, dans les années 2000, Cristiano Ronaldo, Lionel Messi ...   Les footballeurs ont toujours été les préférés des publicitaires.


Dans la série grands cuisiniers, nous pouvons citer Raymond Oliver, Marc Haerbelin et Paul Bocuse.
 
 
Si nous faisons abstraction des campagnes Lux et Woolite, où être ambassadrice de ces marques était une consécration  pour les actrices choisies, de nombreux artistes ont accepté de mettre leur image au service d'un produit.


Cela d'abord a été difficile. Fernandel l'a fait en Italie (cuisinières Rex) et en Angleterre, Louis de Funès, Albert Préjean et Jean Richard l'ont fait en Belgique, Alain Delon et Jean Reno au Japon.
Aujourd'hui c'est rentré dans les moeurs.


Sean Connery, Victoria Principal, Brigitte Bardot, Yul Brynner, Nicole Kidman, Sophie Marceau, Mickey Rooney, Bob Hope, Gérard Depardieu, Toto, Joan Collins, Catherine Deneuve, Daniel Auteuil, Thierry Lhermitte, Vittorio Gassmann, Brad Pitt, Mickael J. Fox, Carlos, Sacha Distel, Jean Lefèvre, Coluche, Thierry le Luron, Gilbert Bécaud, Johnny Hallydy, Eddy Mitchell, Robert de Niro, Charles Aznavour, les Frères Jacques, Henri Salvador, apparaissent dans les messages publicitaires, souvent de grande qualité d'ailleurs.


Dans un domaine légèrement différent : le mime Marcel Marceau et le clown russe Oleg Popov.
Les compositeurs de musiques de films et les autres ont prêté leur concours à la publicité : Robert Palmer, Georges van Parys, Manu Dibango, François de Roubaix, Michel Fugain, Georges Delerue, Nino Rota, Jean Wiener...


Tous les annonceurs font appel à la publicité. Il y a bien sûr différents degrés de diffusion :
Les grandes marques internationales peuvent se permettre d'investir des sommes importantes dans leurs messages, car ils seront diffusés dans de nombreux pays (automobiles, parfums) et le coût des films sera amorti rapidement.
Les marques nationales, en fonction de la clientèle à toucher, produiront parfois des sagas qui font le bonheur des spectateurs : Eram, Darty, Panzani avec Don Patillo, ...


Restent les annonceurs locaux, qui faisaient la joie des séances cinématographiques : tels le magasin de prêt à porter Untel de Limoges, ou la charcuterie X de Provins. Il y avait dans ces films un côté familial qui a marqué plusieurs générations de cinéphiles.


Dès 1930, ces documents locaux ont commencé à être projetés dans les salles. Il faut dire qu'à cette époque tout le monde allait au cinéma plusieurs fois par mois.


C'est pour ces raisons que je ne peux m'empêcher de mettre la plupart du temps dans les entr'actes publicitaires édités par Coin de Mire, un ou deux films locaux.


Au départ les annonceurs traitaient directement avec l'exploitant de la salle, mais très vite des régies publicitaires se sont créées et ont géré en exclusivité la distribution de ces films publicitaires.
Bien sûr la plus connue était Jean Mineur. Il était présent sur les écrans de salles exploités ou sous licence avec Pathé.


France Ecrans, né juste après la guerre était présent sur les écrans des salles UGC.
Enfin Cinéma et Publicité, affilié à Havas, était projeté dans les salles exploitées ou sous licence avec Gaumont.
A côté de ces trois grands réseaux, il existait des réseaux secondaires, présents dans les salles indépendantes : Ciné France Publicité, circuit Rural Publicité, France Film, France Vision, Publistyl à Lyon, Publimod à Strasbourg et Pro Ciné à la Rochelle....


A la télévision la Régie Française de Publicité a été l'unique diffuseur pendant de nombreuses années à compter de 1968. Avec la multiplication des chaînes, des services internes aux différents groupes gèrent ces diffusions.


Avant l'apparition de la publicité à la télévision, en 1968, on pouvait tout se permettre en publicité. C'était un univers féérique, parfois un peu exagéré, qui vantait des produits de consommation courante et en faisait des produits merveilleux et souvent miraculeux.


J'étais fasciné, enfant, de voir une dame faire la vaisselle avec Paic et s'envoler par la fenêtre parce que "Paic vous fait sortir plus vite de la cuisine". Je ne parle pas de la tornade blanche Ajax que je n'ai, hélas, jamais vue sortir du bidon...


Aujourd'hui tout est règlementé, contrôlé pas des organismes officiels. En France c'est l'ARPP, ex BVP, qui donne ou refuse son accord pour une diffusion.


Depuis tout enfant j'ai été fasciné par le film publicitaire, qui, pour moi à toujours été une part intégrante de la séance cinématographique.


En dehors de la durée, je n'ai jamais vu de différence entre le long métrage et ces très courts films que sont les spots publicitaires.


Il est difficile de croire, en dehors de notre Cinémathèque, que personne ne se soit intéressé à la conservation de ce patrimoine formidable. Ni les diffuseurs, ni les agences, ni les producteurs, ni les annonceurs qui devraient pourtant être les premiers intéressés à ces témoignages de l'histoire de leurs produits.


Je ne parle pas de différents organismes culturels, privés ou publics, qui ont toujours considéré le film publicitaire comme un sous produits indigne de leurs collections. C'est pourtant un condensé parfait de la culture, de l'économie, de la psychologie des 120 dernières années de notre civilisation.


Or il n'existe, en dehors de la nôtre, aucune cinémathèque dans le monde conservant ces petits films de 20 ou 60 secondes, illustration parfaite de notre société avec ses qualités et ses défauts.


Je suis très heureux de pouvoir partager cette passion et organisant chaque année une nouvelle édition de la Nuit des Publivores, tant en France que dans une trentaine de pays, et d'en proposer à des producteurs d'émissions de télévision ou de programmes vidéo qui ont compris l'intérêt artistique et sentimental de ce cinéma que j'aime tant.


Le cinéma publicitaire, Jean-Marie Boursicot, 2021.

 

Né à Montélimar en juin 1953, Jean-Marie Boursicot arrive à Marseille en 1959 avec sa famille qui s’installe dans le 4ème arrondissement Boulevard Boisson. Il fréquente l'école communale de la rue Abbé de l'Épée, puis le Lycée St Charles. À l’époque, c’était dans ce quartier du Boulevard Longchamp que se trouvaient les grands majors du cinéma marseillais des années 50, tel que les productions Hélios films au N°130. Les bobines de films étaient entreposées dans ces bâtiments entourés de jardins et de réservoirs d’eau. Le Lycée St Charles étant à proximité de ce boulevard, il fait régulièrement un détour pour récupérer quelques bouts de films qui traînent. Il commence alors à collectionner des affiches et des morceaux de pellicules et passe son temps à chercher des adresses de sociétés de production dans l’annuaire de la Poste du quartier des Cinq avenues afin de leur écrire et d’étoffer sa collection. Après ses études, il entre chez Publicis tout en continuant ses recherches et sa collection qui atteint aujourd'hui plus d’un million de films publicitaires de tous les pays. En 1981, il décide de créer « La nuit des Publivores » dans le but de financer l’archivage et la restauration de cette incroyable cinémathèque publicitaire et collabore avec des musées comme le Centre Georges Pompidou ou la Cité des Sciences et de l’Industrie. Les chaines de télévision tant françaises qu'étrangères font souvent appel à lui pour illustrer certaines de leurs émissions. La nuit des Publivores

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