Logo Coin de Mire
0
Mon panier Voir ma sélection
Rechercher Rechercher sur Coin de Mire

RESTAURATION DU FILM PARIS EST TOUJOURS PARIS

Petite histoire de la ressortie du film PARIS EST TOUJOURS PARIS
Publié le 28-12-2019

PARIS EST TOUJOURS PARIS - DE LUCIANO EMMER - 1952 - 103 minutes - Noir et Blanc

RESTAURATION 4K RÉALISÉE PAR LES LABORATOIRES DAEMS, LES LABORATOIRES HIVENTY (DIGIMAGE) ET LE LABORATOIRE L.E. DIAPASON AVEC LA PARTICIPATION DES DONATEURS DE CELLULOID ANGELS, DE CINÉMATOGRAPHIQUE LYRE, DAMIA FILMS,  ET DU CNC.

La restauration image de PARIS EST TOUJOURS PARIS s’est faite en collaboration avec trois laboratoires :


-       Le laboratoire DAEMS qui s’est occupé sur son site dans l’Eure de restaurer photochimiquement le négatif nitrate très abîmé,
-       Le laboratoire HIVENTY qui s'est occupé, sur son site de Joinville-le-Pont, de la numérisation et de la restauration de l'image du film, ainsi que du retour sur pellicule,
-       Le laboratoire L.E. DIAPASON (Groupe LOBSTER FILMS) qui a géré dans ses locaux parisiens la numérisation et la restauration des sons français et italien.
 
La restauration du film a été conçue dans une filière 4 K du début à la fin. Elle a duré presque un an car nous avons dû l’interrompre à plusieurs reprises pour rechercher certains éléments, notamment de son. Elle a démarré au début de l’été 2018 et s’est réellement achevée au printemps 2019. Le film est ressorti en salles à l’été 2019, ayant été présenté au Festival Lumière en 2018 en version française, au Festival Toute la Mémoire du Monde en 2019 en version française, aux contributeurs en avril (version française) et juin (version italienne sous-titrées) 2019, au Festival de La Rochelle en 2019 en version italienne sous-titrée. La coproduction paritaire (cas finalement assez rare) a ainsi été respectée le plus possible  !


1  - Matériel retrouvé au début des travaux :
 
Nous avons récupéré le négatif image 35mm, en nitrate de cellulose auprès des Archives du Film à Bois d'Arcy où le matériel sera par la suite de nouveau déposé, les éléments nitrate nécessitant d’être entreposés dans des conditions spécifiques.
 
Il y avait au même endroit ce que nous pensions être deux négatifs sons, également nitrate (voir plus loin).


 
2 - Pour ce qui est de la partie IMAGE, voici l’expertise et les travaux effectués :
 
EXPERTISE (Image) :
Le négatif image nitrate est en 11 boîtes de 300 mètres. Le ratio de l’image est 1.37.
L’élément que nous récupérons est dans un mauvais état général :
-       Le retrait longitudinal atteint 0.82% sur la bobine 2.
-       Encoché, le négatif contient sur l’ensemble des bobines des tâches de moisissures et des tâches d’eau.
-       Il y a plus de collures qui sont fragiles ou déjà ouvertes et sont donc à refaire. Ces collures présentent autour d’elles de nombreuses tâches de colle.
-       Signalons également plusieurs inserts de contretype tout au long du film, quelques perforations déchirées à réparer au perfix, des tampons de douane française sur toutes les bobines (qui montrent bien que le négatif a voyagé !).
-       Le défi majeur de cette restauration sera de restaurer les rayures profondes identifiées sur le côté support et surtout gélatine. Ainsi que les griffures gélatine relevées sur environ 5% du négatif.
Heureusement, un test de numérisation nous a permis de vérifier que les rayures support seront bien atténuées par le système immersion. Et de constater que le piqué du film était très beau. Néanmoins, les tâches de moisissure provoquent du pompage sur l’image numérisée, qu’il conviendra d’atténuer.
 
TRAVAUX (Image) :
Du fait de ces problèmes physiques, nous prévoyons de faire passer le négatif entre les mains du Laboratoire DAEMS, pour une remise en état mécanique qui permet de préserver ce négatif pour l'avenir et amène à réparer notamment les collures et les perforations endommagées.
Toujours chez DAEMS, le négatif fait l’objet d’un re-lavage, afin de traiter les nombreuses traces de moisissure et d’eau.
 
De retour chez HIVENTY, le négatif est ensuite scanné en 4K par immersion sur Scanity, en DPX 10 bits LOG.
L’étalonnage a lieu en salle de projection, sur console DaVinci Resolve. Quatre jours
sont prévus pour restituer au mieux la photographie d’Henri Alekan.
Nous projetons aussi en parallèle à l’étalonnage numérique une copie 35mm que nous avons également récupérée afin de retrouver l’aspect originel du film.
La restauration à la palette graphique est menée en 4K sur station Diamant. 184 heures d’intervention sont nécessaires pour effacer tous les défauts liés aux usures du temps.


 
3 – Pour ce qui concerne le SON (italien et français), voici l’expertise et les travaux effectués :
 
EXPERTISE (Son) :
Le négatif son version française est en 11 bobines nitrate.
Il est assez usé, saturé, et présente un souffle important ainsi que de nombreux défauts type plops ou trous de son. Les voix ont été post-synchronisées et il faudra compléter certaines séquences en utilisant soit le "négatif" version italienne (voir plus bas), soit un autre élément non encore disponible, car il présente quelques trous de sons dont on découvrira ultérieurement qu’ils datent du tirage initial (probablement suite à un problème en début de bobine sur deux bobines, la 2 et la 5).
 
Concernant le "négatif" son Version italienne, nous nous sommes rendu compte lors de l'expertise que nous avions en fait entre les mains un document historique : il s’agit de l’un des sons de « prise directe » : nous y avons ainsi par exemple retrouvé la voix véritable de Marcello Mastroianni, ce qui en fait un beau document puisqu’à cette époque, Marcello Mastroianni était systématiquement post-synchronisé. Sa "doublure" était toujours Nino Manfredi, comme c’est d’ailleurs le cas dans la version italienne de PARIS EST TOUJOURS PARIS.
 
Tout ceci fait que ce n'était malheureusement pas le négatif que nous espérions, et comme, devant être complété par d’autres sons, il comporte de très nombreux passages muets, nous avons longtemps cru qu’il ne nous servirait pas. Ce n’est que lorsque nos recherches pour combler les trous de sons de la version française menaçaient de ne pas aboutir, à l’été 2018, que nous avons pensé à vérifier si, par hasard, les passages qui nous manquaient n’étaient pas peut-être sur ce négatif de prise directe. Et là, nous avons eu une chance insolente, car ils s’y trouvaient tous deux, ce qui nous a permis de reconstituer le son français tel que l’avait voulu le réalisateur, mais que personne n’avait pu entendre jusqu’à cette restauration !
 
Revenons à la version italienne : nous nous sommes donc mis à la recherche d'un autre élément négatif du film en version italienne que nous avons pu rapatrier en France malgré des délais d'obtention très importants (ce qui fait que nous n’avons pu commencer à y travailler qu’au début de 2019, alors que le film avait déjà été présenté au Festival Lumière en version française.
 
TRAVAUX (Son) :
 
Le Laboratoire LE DIAPASON a effectué la réparation manuelle et numérique de tous les défauts relevés sur le négatif son français après avoir numérisé le son sur leur scanner laser SOUND DIRECT, et a corrigé également les timbres avant de mettre à niveau et au norme la version résultante.
Nous avons aussi numérisé les séquences que nous devions reprendre sur le négatif de prise directe pour compléter la version française.
 
Lorsque la numérisation du son italien (faite en Italie) a pu être récupérée, nous avons procédé de même à la correction des défauts que nous relevions sur cet élément.
 
Ayant trouvé que les musiques étaient de bien meilleure qualité d’enregistrement sur l’élément italien, nous avons repris la version française qui avait été finalisée, et y avons remplacé toutes les musiques afin d’avoir la même qualité sonore sur les chansons, notamment celles d’Yves Montand.
 
Le mixage pour chacune des versions a eu lieu en salle et en vidéo.


 
4 – Sous-titrage, sous-titrage pour sourds et malentendants, et audiodescription :


Lorsque nous avons disposé d’une image complète, et d’un son italien calé, nous avons lancé les travaux de sous-titrage à partir du relevé des dialogues italiens que nous avons fait. Une fois l’adaptation faite, nous avons validé le sous-titrage, et éventuellement apporté les corrections nécessaires, en salle de simulation, sur grand écran, au laboratoire HIVENTY.
 
Toujours au laboratoire HIVENTY ont été ensuite préparés le sous-titrage pour sourds et malentendants (SME) qui permettra aux salles équipées de faire voir le film aux personnes appareillées.
 
Enfin, l’une des filiales spécialisées du laboratoire HIVENTY a fait écrire et enregistrer l’audiodescription (AD) pour les personnes aveugles, qui accompagne la version française du film en salles. Le film contenant de multiples vues de Paris, il était particulièrement important que cette audiodescription permette aux personnes aveugles de « visiter » elles aussi la capitale et nous avons veillé à ce que les lieux soient correctement décrits.


 
5 - Finalisation des travaux :


A l’issue de ces travaux, nous avons fabriqué un DCP 4K comportant les deux versions (française et italienne) doté de sous-titres sourds & malentendants, de sous-titres français et d’audiodescription.
 
Pour la préservation de notre travail, nous avons :
-       fait un report optique du son italien,
-       tiré une copie 35mm standard de contrôle,
-       et fait un retour sur film 4K, réalisé via Arrilaser (pellicule Kodak polyester), pour assurer une nouvelle vie au film, ce nouveau « négatif » donnant 100 années de plus à l’oeuvre.
 
Cette restauration a été suivie par Patricia Barsanti pour Cinématographique

 

Le mot de Patricia Barsanti (Cinématrographique Lyre) : 

PARIS EST TOUJOURS PARIS est un des rares cas de coproductions parfaitement paritaires entre la France et l'Italie. Rien qu'à ce titre, il se tient à part dans la filmographie de ces deux pays. En effet, les deux sociétés coproductrices, OMNIUM INTERNATIONAL DU FILM et FORTEZZA FILMS (qui avait remplacé la G. AMATO Films), se divisent à 50% les territoires autres que ceux leur revenant en pleine propriété. Cette parité se voit aussi au générique, puisque le nombre d'acteurs et de techniciens français est parfaitement contrebalancé par le nombre d'acteurs et de techniciens italiens.
Toutefois, la vente à l'étranger du film était l'affaire du coproducteur français, et l'adaptation française n'a pas été un simple doublage, mais bien un texte écrit par deux auteurs, cités comme tels au générique : Jean Ferry et Jacques Rémy. La direction de la photographie a, de même, été confiée à l'un des plus grands, sinon le plus grand, chef opérateur existant, Henri Alekan. Tout ceci porte à croire que la balance penchait en réalité initialement du côté français et qu'il était prévu que le film fasse l'objet d'une belle exploitation en France.

Malheureusement, ce ne fut absolument pas le cas, la sortie du film restant confidentielle sur tout le territoire. Nos recherches nous font pencher pour deux explications, sans doute complémentaires : la première est que le distributeur de l’époque, pourtant par ailleurs coproducteur, avait en parallèle un autre film qu’il mettait très fortement en avant, LES AMANTS DE MINUIT, avec Jean Marais, et auquel il a consacré tous ses efforts publicitaires auprès des salles. Cela est visible à la lecture des bordereaux de commande, PARIS EST TOUJOURS PARIS ayant été distribué principalement en Bretagne, en Bourgogne et en Normandie. La seconde est que le film parlait d’étrangers visitant Paris, et que le public français – en tout cas le public parisien – a pu bouder le film au motif qu’il connaissait par cœur sa capitale et n’avait pas besoin qu’un réalisateur étranger la lui montre. On retrouve cet accueil mitigé dans les critiques de l'époque qui ne sont pas toutes positives, même si elles reconnaissent la fraîcheur du film et le jeu des acteurs.

Mais là où UN DIMANCHE D'AOÛT avait fait l'unanimité autour de Luciano Emmer, d'aucuns vont se dire assez déçus par sa nouvelle réalisation car, d'après eux, pour bien parler de Paris, il faut mieux la connaître, et on lui reproche de la montrer uniquement à travers les yeux de touristes.

Aujourd'hui, l'on se rend compte que c'est précisément cet angle qui rend le film si précieux et qui en fait un document unique sur le Paris de 1951, car justement on voit notre capitale sous tous ses angles, non seulement et bien évidemment dans ses hauts lieux touristiques, mais également chez les petites gens et dans les rues de quartiers plus populaires. L’un des intérêts du film est d’ailleurs le fait qu’il montre un Paris entre deux périodes, pas encore totalement sorti de l’après-guerre douloureux, mais pas encore non plus totalement plongé dans les Trente Glorieuses.

Claude RIEFFEL ne s'y trompe pas puisqu'il écrit, dans sa critique du film sur le site www.avoir-alire.com : "Et si le Paris des touristes est expédié en quelques plans ironiques, la vraie ville est filmée avec un regard de documentariste amoureux que magnifie la superbe photo d’Henri Alekan (excusez du peu !) et que la distance temporelle rend encore plus précieux (on pouvait encore voir dans les rues de la capitale, en 1950, des charrettes tirées par des chevaux)".

L'énergie et la joie de vivre qui s'en dégagent encore aujourd'hui font mieux comprendre qu'en Italie, lors de sa sortie, cette petite pépite de bonheur pleine de quiproquos ait fait un tel triomphe. Au point de lancer sur orbite la carrière d'Hélène Rémy, jeune danseuse classique, acrobate, actrice de théâtre et repérée pour le cinéma à la fois par Orson Welles et Julien Duvivier. Cet artiste complète comme il y en aura finalement rarement eu, fera 20 ans de belle carrière transalpine avant de rentrer en France pour BORSALINO, son dernier film, et un oubli peu mérité. A la voir pétiller dans PARIS EST TOUJOURS PARIS, l'on comprend mieux que Luciano Emmer se soit dit, en la voyant, qu'elle incarnait parfaitement la Parisienne qu'il recherchait partout.

Depuis sa sortie en France en 1952, et malgré sa nomination au LION D’OR au Festival de Venise en 1951, le film n'avait quasiment plus jamais refait surface dans ce pays. Et pourtant, depuis que nous nous y sommes intéressés, il a séduit tous ceux qui ont eu l'occasion de le voir.
Les sociétés CINEMATOGRAPHIQUE LYRE et DAMIA FILMS l’ont acquis en copropriété en 2007 parmi d’autres œuvres, et n’ont pas tout de suite pu s’en occuper. C’est l’intervention de deux bénévoles enthousiastes et entreprenants, Jean-Louis Guillon et Alain Jorel, qui entendaient une charmante dame leur parler de « Paris est toujours Paris, le film qui a lancé ma carrière » avec chaque fois une anecdote sur l’Italie ou le souhait de revoir le film, qui a permis au projet de voir le jour. Lorsqu’ils ont demandé au CNC si une projection ne pourrait pas être organisée pour Mme Rémy, car c’était elle, le CNC a aussitôt contacté la LYRE, qui a donné son accord.
Le 10 octobre 2018, le film a été montré « dans son jus » tel que sur le négatif original dans le cadre de la Semaine Bleue à Bois D’Arcy en présence de Mme Rémy, du Service Civique du CNC représenté par Mme Hermine Cognie, du Maire de Bois D’Arcy et de divers membres de son équipe. L’accueil très chaleureux réservé au film, la joie qui s’en dégageait, ainsi que la personnalité attachante de l’actrice, alliés au fait que les éléments négatifs sont en nitrate et donc fragiles, ont été des facteurs importants pour nous lancer dans sa restauration.
Nous avons alors sollicité l’appui des deux auteurs français du film, ou plutôt de leurs descendants : le fils de Jacques Rémy, M. Olivier Assayas et la fille de Jean Féry, Mme Loreley Fronty, nous ont donné leur accord pour entreprendre la restauration du film et nous ont soutenus dans notre souhait de le faire (re)voir par le public.

Considérant que le film s'inscrivait parfaitement dans le cadre des œuvres qu’ils souhaitaient promouvoir et qui sont susceptibles de toucher le public, nous avons aussi bénéficié du soutien créatif et enthousiaste de l’équipe de CELLULOID ANGELS (www.celluloidangels.com), le site de financement participatif dédié aux films de patrimoine. Grâce à cette plateforme, au soutien du regretté Venantino Venantini auquel la restauration rend hommage, à un article du Figaro Online écrit par Bertrand Guyard et à la reprise par divers autres sites, 119 contributeurs ont choisi de faire confiance au projet et ont fait plus que de simplement nous donner une contribution financière pour lancer la restauration du film : ils ont permis de montrer que ce projet intéressait de nombreuses personnes, et donné ainsi encore plus de fondement à la demande que notre société a fait ensuite au CNC pour obtenir une aide lui permettant de boucler le budget de restauration que, seule, elle n’aurait pu affronter.

Les travaux ont démarré au printemps 2018, et nous avons tout d’abord dû réparer le négatif, qui montrait des traces de moisissures et dont toutes les collures se défaisaient : nous étions à deux doigts de nous trouver devant un puzzle de plusieurs milliers de pièces, et le reconstituer n’aurait pas été simple. Les doigts de fée des techniciens du laboratoire DAEMS, spécialiste en sauvetages divers, tous liés à la pellicule, nous ont permis de remettre le négatif en état afin que les équipes du laboratoire HIVENTY, où nous avions choisi de faire la restauration image, puissent ensuite numériser les éléments originaux et procéder à la restauration numérique du film.

Certains des contributeurs ont pu visiter les locaux du laboratoire HIVENTY, à Joinville, pendant ladite restauration, et voir le soin et l’enthousiasme avec lequel les différentes équipes techniques s’occupaient de redonner tout son éclat à l’image du film.

Le son, quant à lui, a été confié aux experts du laboratoire L.E. DIAPASON, qui allaient s’occuper à la fois du son français mais aussi du son italien du film, puisque dès les premiers instants il est apparu comme une évidence de présenter les deux versions à égalité, le film étant paritaire et jouant volontiers du rapport entre les deux langues.

Pour la petite histoire, nous avons eu beaucoup de soucis sur deux passages de la version française pour lesquels il nous manquait le son : le premier passage était celui où Hélène Rémy explique à Franco Interlenghi comment se rendre à l’Hôtel Lutétia depuis la Gare de Lyon, le second était celui où un groupe de jeunes filles d’origine nordique dévalent les escaliers du Sacré Cœur poursuivies par les deux « Don Juans » à la Laurel et Hardy, Toto et Nicolino. Le second « trou de son » pouvait à la rigueur être comblé avec du bruitage. Mais le premier nécessitait d’avoir trois phrases que nous ne pouvions reconstituer aisément. Au début, nous pensions qu’il nous serait possible de trouver une ancienne copie d’exploitation contenant le son complet du film, mais la seule copie que nous avons trouvée en version française a été une copie 16 mm de la Cinémathèque Québécoise : or même cette copie, datant pourtant de la première exploitation du film, s’est révélée amputée de la séquence problématique dans la gare. C’est ainsi que nous avons compris que le négatif avait dû être endommagé dès le tirage. Or la sortie du film n’ayant eu lieu finalement qu’à l’hiver 1952, soit plus d’un an après le tournage et le doublage, Hélène Rémy était partie pour l’Italie. Impossible donc, surtout avec le budget de production de l’œuvre, de la faire revenir pour trois phrases. C’est ainsi que les copies avaient été coupées. J’avoue que cela me faisait mal au cœur de le faire à mon tour. C’est là que les bonnes fées qui veillaient sur le film sont venues à notre rescousse : ces trois phrases, prononcées par Mme Rémy sur le plateau de tournage, avaient été captées par l’un des trois enregistreurs de son direct et par chance, nous disposions du négatif issu précisément de cette machine-là. Il n’y avait pas grand-chose d’autre sur la bobine correspondante, mais il y avait ces trois phrases. Nous avons également retrouvé la sonorisation complète correspondant à la descente d’escalier. La version française que vous entendrez dans ce coffret est donc une version intégrale telle qu’elle avait été tournée et enregistrée, et telle qu’elle n’avait pu être entendue depuis… 1951. Nous sommes évidemment ravis de pouvoir vous la présenter.

Une fois complètement restauré et validé par nos soins, le film, décidément sous une bonne étoile, a ensuite été sélectionné par les festivals suivants, qui tous s’occupent de films de patrimoine : le Festival Lumière en octobre 2018, le Festival Toute la Mémoire du Monde (Paris) en février 2019, le Festival International de La Rochelle en juillet 2019, le Festival International de Marcigny en novembre 2019.

Il est ressorti au cinéma le 14 août 2019 porté par le distributeur THEATRE DU TEMPLE qui a refait, pour l’occasion, une très belle affiche et une bande annonce que l’on peut toutes deux voir sur Allociné :

Les deux versions sont disponibles, même si les salles semblent le proposer préférentiellement en version italienne sous-titrée en français.
Le film a même fait l’objet d’une section spéciale de la revue Revus et Corrigés dont l’un des journalistes s’est lancé sur les traces des lieux représentés dans le film pour montrer ce qu’ils étaient devenus (édition de juin 2019) !

Deux projections spéciales ont pu être organisées pour les contributeurs, l’une en Version Française au Cinéma Club de l’Etoile, en avril 2019, et l’autre en Version Italienne sous-titrée en Français au Cinéma Le Louxor en juin 2019, généreusement mis à notre disposition par la MAIRIE DE PARIS.

Enfin, ayant tout d’abord contribué à la campagne de financement puis s’étant intéressés à l’œuvre pour leur toute jeune maison d’édition DVD/Blu-Ray, COIN DE MIRE CINEMA, Laure et Thierry Blondeau ont décidé d’intégrer le film dans leur collection. Il leur fallait, en sus d’autres éléments photographiques et documentaires pour compléter leur coffret, deux éléments :
-       Un film annonce d’époque, dont les deux seuls exemplaires ont pu être trouvés dans les collections de La Cinémathèque français, grâce à laquelle il a été possible de l’inclure dans le coffret. En effet, le négatif image du film annonce n’a pas (encore) été retrouvé.
-       Un dossier de presse de l’époque. Pour ce document, après plusieurs mois de recherches intenses tant par les Blondeau que par moi, nous n’avions toujours rien, en ayant pourtant l’impression d’avoir remué ciel et terre. C’est là que la petite étoile du film a refait son apparition : au détour d’une conversation avec le collectionneur Lucas Balbo, j’ai eu l’idée de lui lancer comme challenge cette recherche. Qu’elle n’a pas été ma stupeur, et mon admiration pour le classement de ses archives, quand, moins de 24h après, Lucas nous a envoyé ledit dossier ? Le coffret pouvait enfin être complété et vous le tenez aujourd’hui entre vos mains (ou devriez aller l’acheter ! J).
Que dire, donc, sinon que de très nombreuses bonnes fées ont œuvré à la renaissance de ce joyeux petit bijou de film ?
Un petit mot pour finir l’histoire de la restauration de ce film : notre souhait initial, qui avait été de pouvoir montrer de nouveau le film, une fois restauré, à Mme Rémy a pu être exaucé le 13 juin 2019 au Louxor, et la joie de cette charmante et encore pétillante dame a fait chaud au cœur de tous ceux, fort nombreux, qui étaient dans la salle ce jour-là. Grâce à la sortie du coffret DVD/Blu-Ray, nous pourrons le faire revoir également aux deux autres actrices de ce film encore vivantes aujourd’hui : Madame Lucia Bosè et Madame la Baronne Nadine de Rotschild, qui toutes deux nous avaient envoyé de loin leurs encouragements avant la présentation au public du film.


Au-delà des considérations techniques, peut-être souhaitez-vous savoir pourquoi nous avons cru en ce film pourtant fort obscur au départ ?
Tout d’abord parce que la première projection, aussi approximative qu’ait été la qualité d’image et du son, nous a tous vus sortir de la salle avec un sourire qui venait du fond du cœur, et que se sentir bien après une projection de cinéma correspond fondamentalement à notre conception du 7ème Art.
Ensuite parce que nous souhaitions faire connaître à ceux qui ne l’avaient jamais vu le très talentueux Aldo Fabrizi, qui, en père de famille respectable souhaitant connaître quelques lieux plus croustillants de la capitale, trouve là un rôle à la mesure de son immense talent : il faut le voir découvrir le logement de son ami, "le baron", bien loin d'un cinq étoiles... Sa délicatesse étonne et charme d'autant plus que l'acteur est d’un physique imposant. Encore trop méconnu en France parce qu'il a joué dans d'innombrables comédies qui n'ont jamais réussi à passer les Alpes du fait des problèmes de doublage, il mérite d'être vu et apprécié pour la justesse et la finesse de son jeu. En montrant PARIS EST TOUJOURS PARIS en salles, nous espérons y contribuer.

Bien évidemment, il n’est pas seul dans ce film et les spectateurs pourront ainsi revoir la magnifique et toute jeune Lucia Bosè, ou d'apprécier encore une fois le charme d’un Marcello Mastroianni dans l’un de ses premiers rôles (ce qui lui a d’ailleurs valu d’être doublé en Italien par Nino Manfredi). Ils pourront aussi tomber sous le charme de la souriante Hélène Rémy et du joli couple qu’elle forme à l’écran avec Franco Interlenghi, autre merveilleux comédien, qui, incidemment, s’est lui-même doublé dans la version française. Une pléiade d’excellents acteurs des années 1950 complète le générique, et nous sommes ravis que cela permette de remettre à l’honneur des Jeannette Batti, Henri Guisol, Ave Ninchi ou Henri Genès.


Il y a aussi les merveilleuses images d’une qualité irréprochable et d’un cadrage chaque fois parfait, dues à l'œil sans pareil d'Henri Alekan, et nous l’avons maintes fois commenté pendant les semaines où le film a été en restauration chez Hiventy. L’étalonnage et la restauration image ont permis de remettre en valeur tout son travail. Et dire que ce génial directeur de la photographie trouvait pourtant n’avoir pas eu autant de temps de préparation pour ce film, du fait d’autres contraintes, qu’il l’aurait souhaité ! Mais sa « patte » est bien là, à chaque scène, et c’est un régal. Il se joue aussi des contrastes liés au fait que le film a été tourné entre deux saisons (ce qui explique l’état des arbres, tantôt pleins de feuilles sur les quais, puis dégarnis dans le Bois de Boulogne, ou la buée sortant des lèvres de Lucia Bosè au Palais-Royal, tandis que « Christine » et « Franco » semblent apprécier la douceur d’une journée de fin d’été sur les Bateaux-Mouches). Pour l’anecdote, ces derniers venaient d’être créés deux ans auparavant à peine, ce qui fait sans doute de PARIS EST TOUJOURS PARIS l’un des tous premiers films à avoir été filmé à bord J.
Enfin, il faut préciser que la musique, qui est l'œuvre de Roman VLAD, est pour beaucoup dans la joie de vivre qui se communique au spectateur en regardant ce film. Et les trois chansons, dont « Les feuilles mortes » de Jacques Prévert, mises en musique par KOSMA, sont l'occasion d'entendre, de manière assez rare, un tout jeune Yves Montand qui venait à peine de franchir le pas devant la caméra et s’apprêtait à se révéler en tant qu’acteur avec LE SALAIRE DE LA PEUR, un an plus tard. Son magnétisme crève l’écran, et nous sommes ravis du travail effectué par le laboratoire L.E. Diapason sur le son qui restitue tout le velours de sa voix.


Il est intéressant de plus de noter que les jeunes qui ont vu le film nous ont tous, indépendamment et systématiquement, dit avoir particulièrement apprécié les images qu’il donnait de Paris et la possibilité de découvrir une ville pour eux méconnue, « sans Uber et sans trottinettes » (J) qui leur donnait envie d’aller l’explorer. Il y a un préjugé fortement ancré dans les esprits et contre lequel nous luttons quotidiennement, comme quoi les films noir et blanc ne peuvent séduire les jeunes. À voir leur enthousiasme à la sortie de PARIS EST TOUJOURS PARIS qui les a tous unanimement séduits, je reste persuadée que ce préjugé n’est pas justifié. Il est en tout cas clair que ce film, comme d’ailleurs beaucoup d’autres films dit « classiques », est susceptible de leur donner une porte d’entrée aisée et chaleureuse vers d’autres œuvres cinématographiques en noir et blanc.
Malgré le fait qu’il soit resté quasiment inconnu durant ces nombreuses années, si ce n'est de rares cinéphiles, PARIS EST TOUJOURS PARIS mérite à notre sens d'être vu, et même revu, car il témoigne avec tendresse, émotion et sincérité d'un passé lointain et pourtant encore proche grâce à la magie du cinéma.

Nous comptons sur la sortie du coffret de COIN DE MIRE CINEMA pour que l’effet chaleureux que produit ce film à chaque visionnage continue de s’étendre, et qu’il donne envie à beaucoup de personnes, qu’elles soient cinéphiles de longue date ou récemment venues aux films de patrimoine, de voir beaucoup d’autres œuvres de ce type, chacune reflétant une époque, une histoire, une société qui font partie de notre histoire et sont les nôtres.

Les sociétés CINEMATOGRAPHIQUE LYRE et DAMIA FILMS remercient, pour les avoir accompagnées dans les différentes étapes de cette restauration :

- Hélène Rémy, Loreley Fronty, Olivier Assayas,
- les institutions et sociétés suivantes : le CNC, Lobster Film, Celluloid Angels, La Cinémathèque française, la Cinémathèque Québécoise, l’IRCAM, la Mairie de Paris (Mission Cinéma), Théâtre du Temple, Coin de Mire Cinéma, le Festival Lumière, le Festival Toute la Mémoire du Monde, le Festival international de la Rochelle, le Festival international de Marcigny,
- ainsi que les nombreuses personnes qui sont intervenues pour nous soutenir d’une manière ou d’une autre tout au long de ce projet. Ce sont, par ordre chronologique « d’apparition » dans l’histoire de la ressortie du film : Jean-Louis Guillon, Alain Jorel, Hermine Cognie, Eric Le Roy, Sébastien Arlaud, Venantino Venantini, Bertrand Guyard, Geoffroy Caillet, Juliette Dubois, Jean-Baptiste Viaud, Monique Mouroux, les 119 (*) contributeurs de la campagne de crowdfunding dont les noms sont donnés ci-dessous, Serge Bromberg, Marie-Armelle Imbault, Laurent Cormier, Béatrice De Pastre, Bruno Deloye, Thierry Frémeaux, Gérald Duchaussoy, Paola Palma, Laure Blondeau, Thierry Blondeau, Paulo Costa, Benjamin Alimi, Thierry Delannoy, Audrey Birrien, Violette Baton, Van-Long Nguyen, Christelle Vinchon, Pauline Bassenne, Frédéric Hédin, Olivier Lekieffre, Bénédicte Munne, Serge Desaulniers, Catherine Gadebois-Laurendeau, Axel Roebel, Léon Rousseau, Nicolas Ruau, Nicolas Teichner, Olivier Beaufret, Vincent Dupré, Alexandre Paquot, Dimitri Marguerès, Christophe Girard, Michel Gomez, Elodie Péricaud, Emmanuel Papillon.

(*) Pour plus d’exactitude, il y a eu 135 contributions effectuées par 119 personnes, certains contributeurs ayant choisi plusieurs "packages" de don. Nous les en remercions doublement, ce sont, par ordre alphabétique:

Albrecht Jérôme • Ali-Yahia Malek • Arlaud Sébastien • Arteil Michel • Autier Emmanuel • Autier Marie-Laure • Baclin Alain • Barsanti Maria • Barsanti Patricia • Bernard Laure • Blandel Marc • Blondeau Laure et Thierry • Bossard Avelange Julie et Antoine • Botta Jean • Bouyer Carolyne • Brassert Dorman Céleste • Brisoux-Devendeville Laure • Buard Odile • Carrou Stéphane • Caruel Sophie et François • Cassegrain Agathe et Jean • Chapron Françoise • Chauveau Pascale • Chéron Françoise • Clouard Florence et Frédéric • Collet Jean-Marc • Cotonnec Michel • Cox Caroline • Darmon Sarah • De Breteuil Marie-Laure • De Condé Isabelle • De Lard Claire et Franck • De Lucia Romina • Delforge Pierre-Emmanuel • Delpech Odile • Demollière Sylvie • Desclavelière Dolorès • Deseine-Eschasseriaux Chléa et Arnaud • Desmons Jean-Paul • Devouge-Grandjean Violaine • Duchaussoy Gérald • Duval Jérôme • Ehrhart Isabelle • Elliott Alice • Estève Jean-François • Fappani Von Lothringen Frédéric • Feuerstein Patrick • Foully Agnès • Gachet Karin et Benoît • Gachet Violaine • Gaignault Florent • Galtier Florence • Garnier Céline • Garnier Claude • Garnier Emmanuelle et André • Garnier Vincent • Garnier-Barsanti Clara • Giniès Michel • Gouteroux Catherine • Guérif Nicole • Guillon Jean-Louis • Heubert Francis • Hozé Elisabeth • Huchon Guillaume • Jagaille Nikky et Pascal • Jorel Alain • Journès Alice • Lamy Patrice • Langeard Valérie • Lauquet Jeanne • Le Borgne Danielle • Le Cloarec Julien • Le Couteur Ariane • Le Strat Anthony • Legeay Catherine • Lelièvre Hervé • Lipschitz Arouna • Llau Philippe • Lo Cascio Elisabeth • Loisel Rémy • Losi Paola • Luciano Marysa • Malbet Katell et François • Marchal Dominique • Margat Annick et Jean-François • Matthews Sylvie • Mestre-Dorfin Nadège • Mezennec Sandrine • Michon Camille et Stéphane • Mischkind Francis • Morel Olivier • Nadal Sophie • Neiva Jean-Philippe • Noël Anne-Catherine et Frédéric • Palma Paola • Petitjean Véronique • Piétremont Catherine • Prigent Michel • Quinnez Bruno • Rauturier Nathalie et Christophe • Rogier Yann • Rouillard Sylvain • Schafer Ellen • Schluntz Frédéric • Soubeyran Anne-Reine et Romain • Tcherganian Liliane • Téménidès Aline et Jean • Thomson Elyane • Tournis Véronique • Tran Sophie • Trigano Jérémy • Vernet Carmela et Jean-Marc • Vial-Houard Elisabeth • Viney Philippe • Vitte Daniel • Vitte Marie-Christine • Wiramus Jean-Xavier • Wolfstirn Claire • Zaoui Slimane
 
Un grand merci de nouveau de votre confiance !

Sorti dans notre édition Prestige le 28 décembre 2019

Coin de Mire Cinéma